Quelques explications sur ma production de semences, ou comment produire des graines de qualité et reproduire des variétés
Petit tour d’horizon du travail de semencier
1. Les Porte-graines
Anticiper et préparer ses cultures
Pour multiplier et reproduire des variétés, il faut tout d’abord respecter des règles d’isolement, qui vont permettre de maintenir la variété telle qu’elle est décrite, en évitant les pollinisations croisées. Les pollinisations ou hybridations croisées, c’est ce qui vous donne des courges surprises quand vous re-semez vos propres graines!
Les différentes variétés que je cultive au jardin des Graines sont isolées soit dans l’espace du jardin (avec des distances minimales entre deux variétés), soit dans le temps : Certaines comme les choux ou les blettes et betteraves ne sont cultivées qu’une année sur deux par exemple. Dans d’autres cas, il n’y a qu’une seule variété disponible, comme le melon ou la pastèque.
Enfin, pour les courges et courgettes notamment, je réalise des pollinisations manuelles (C’est-à-dire que je prends moi-même le pollen des fleurs mâles pour aller le déposer sur les fleurs femelles de la même variété).
Le nombre de variétés présentes au catalogue est de fait limité.
Ci-contre, quelques photos de différents porte-graines : Persil, Basilic, Blette, Chicorée, Rave de treignac, Quinoa, Avoine, Echalion, Nigelle de Damas, et Poireau.
Travail de Sélection
Une fois la culture en place, les plantes sont sélectionnées, selon deux possibilités principalement
- Une sélection dite conservatrice, qui consiste à éliminer certains sujets, par exemple les moins beaux, malades, ceux qui montent à graines prématurément.
- Une sélection dite amélioratrice qui consiste à conserver les sujets les plus beaux, productifs, les plus précoces, ceux tolérants ou résistants aux maladies, à la sécheresse, ceux capables de passer l’hiver dehors sans périr, etc..
Dans tous les cas, pour maintenir une bonne diversité génétique, je conserve un nombre minimum de plants (de 5 à 100 suivant les espèces). Les sujets les moins beaux et non conservés finissent généralement dans nos assiettes!
Tuteurage
Les porte-graines peuvent atteindre des hauteurs importantes (plus d’1m60 pour les chicorées, choux, carottes par exemple) et nécessiter un tuteurage efficace (il y a un risque de verse important lorsque les porte-graines se chargent en graines, notamment dans mon terrain en pente). L’installation de piquets + ficelles, tuteurs ou treillis est une étape importante à ne pas négliger.
Arrosage
Nous avons choisi de conduire nos cultures de manière à développer le caractère rustique et autonome de nos plantes, pour des plantes qui s’adaptent aux conditions climatiques de plus en plus difficiles. Nous arrosons nos cultures uniquement en cas de sécheresse prolongée, en portant une attention particulière au moment de la floraison. Ceci pour garantir des graines de qualité, ainsi qu’ un bon rendement en graines.
2. Récolte & Extraction des graines
Pour la plupart des légumes et fleurs, les graines sont directement visibles sur le porte-graine, il s’agit alors de les récolter en un ou plusieurs passages.
Nous pouvons être amené à :
*couper les tiges des porte-graines en une seule récolte, que l’on met ensuite à sécher et maturer si besoin dans un endroit à l’abri de l’humidité, en évitant trop de lumière et de chaleur.
* récolter les cosses, siliques ou tout élément contenant les graines au fur et à mesure de leur maturité. Les choux par exemple.
* récolter à la main les graines directement sur le porte-graines. C’est le cas de beaucoup de fleurs, par exemple les soucis, les cosmos. La récolte se fait alors en passages réguliers tous les jours ou tous les deux jours.
Dans le cas des cucurbitacées ou des tomates, poivrons, aubergines, … les graines sont contenues dans les fruits, les fruits sont récoltés à maturité .
Extraction des graines
Différentes méthodes sont utilisées :
* on peut simplement tapoter et secouer les tiges (laitues par exemple ou amarante), au dessus d’un récipient ou d’un drap
* il peut être nécessaire de casser les cosses, siliques, etc.., contenant les graines (comme les radis). On écrase, on casse, on frotte… pour libérer les graines.
* on ouvre les fruits contenant les graines, les graines sont extraites manuellement, nettoyées à l’eau (cas des courges et courgettes) et séchées rapidement. Dans certains cas (tomates ou physalis par exemple), les graines sont mises à fermenter 48 à 72h pour faciliter le nettoyage, puis rincées et séchées.
3. Tri, nettoyage, séchage
Les graines récoltées sèches sont souvent associées à de nombreux débris végétaux qu’il s’agit d’éliminer. J’utilise pour cela deux méthodes principalement :
*les tamis, j’en ai plusieurs de mailles différentes, qui me servent à faire un premier tri pour éliminer les débris les plus importants, et les poussières.
*le vannage, qui consiste à utiliser le vent, soit en soufflant sur les graines, soit en passant directement les graines au vent. Simple mais efficace, je choisis un jour où il y a suffisamment de vent, et je fais tomber plusieurs fois les graines d’un seau à un autre. Les débris, plus légers que les graines, s’envolent ! Tout simplement.
Pour les graines disponibles en grosses quantités, il est aussi possible d’utiliser un tarare (appelé également vent ou ventadour suivant les régions).
Dans certains cas, les alliacées notamment (c’est-à-dire oignons, poireaux), les graines et les débris associés peuvent être trempés rapidement dans un récipient. Les bonnes graines vont tomber au fond, tandis que les débris restent en surface, faciles à retirer.
Séchage des graines
Si besoin, les graines sont réparties sur un support + tissu, et placées dans un endroit sec et bien ventilé, l’important étant qu’elles sèchent rapidement. C’est le cas des courges et courgettes notamment qui peuvent développer rapidement des moisissures.
4. Contrôle qualité des semences
*Pureté
Les semences qui, après tri et nettoyage, contiennent encore des débris, ou des graines vides (ou décortiquées comme c’est le cas chez moi pour la bourrache par exemple) sont triées manuellement (oui, j’écarte à la main les semences ou débris non désirés ! même si c’est parfois long).
Je ne suis pour le moment pas équipée de colonne à air qui permettrait de compléter parfaitement le tri, aussi vous pouvez parfois trouver encore quelques débris en quantité minime dans vos sachets. Lorsque c’est le cas, j’ajuste en augmentant légèrement la quantité de semences dans les sachets par rapport au grammage indiqué.
*Faculté germinative
Le contrôle le plus important est de vérifier la qualité de germination des graines produites.
J’utilise là encore des méthodes assez simple : je compte un nombre précis de graines (généralement 100 graines, des fois 50 ou 33 pour les plus grosses comme les courges, courgettes), que je réparti dans du terreau, ou plus récemment sur un support + sopalin humide. Le tout est placé, selon la période, soit sous serre soit dans une étuve maison (à savoir un ancien frigo hermétique qui maintient de bonnes conditions de température et d’humidité grâce à un bac d’eau chaude placé près des graines).
Après quelques jours, les graines qui germent sont comptées précisément, ce qui permet d’établir un pourcentage de germination.
Il faut savoir qu’il existe des normes légales, en deçà desquelles il n’est pas possible de vendre les semences. Ces normes ne sont pas très exigeantes (par exemple 75% de germination minimum pour les tomates, c’es-à-dire qu’il y aurait potentiellement dans les sachets 1 graine sur 4 qui ne germerait pas). J’ai choisi de proposer principalement à la vente des semences potageres qui germent à plus de 80-85 %. « Principalement » parce qu’il y a aussi quelques semences réfractaires à la germination in vitro, et pour celles-ci, je m’autorise des taux un peu plus bas (mais toujours au-dessus des normes légales).
Chaque lot de semences produit au jardin des graines est contrôlé systématiquement à l’automne, et les graines récoltées les années précédentes sont (re)testées chaque année (vous pouvez dorénavant trouver sur les sachets la date du dernier test de germination).
5. Mise en sachet et conservation des semences
Après contrôle qualité, les graines sont mises en sachet kraft, la pesée se fait sur balance de précision homologuée pour la plupart d’entre elles, ou par comptage direct pour les plus grosses graines (toutes les cucurbitacées notamment).
Les sachets prêts à la vente sont stockés dans des boites en bois ou dans la fabuleuse valise trouvée en brocante et que j’utilise pour les marchés.
Pour les semences stockées plus longuement, je les conserve dans des sacs en papier ou dans des contenants en verre (aérés régulièrement).
Tout çà conservé dans un endroit frais et surtout à l’abri de l’humidité !